BLOG | Le designer augmenté : ce que Figma Make change vraiment

Figma Make est sorti il y a quelques semaines et, comme à chaque annonce majeure dans notre écosystème, les réactions oscillent entre enthousiasme débordant et scepticisme prudent. Certains y voient une révolution, d'autres un gadget de plus. Après plusieurs semaines d'utilisation intensive au studio, je voulais partager notre expérience terrain et nos réflexions sur ce que Make change vraiment dans notre métier.

Ce que vous trouverez dans cet article :
Je vais d'abord vous montrer concrètement ce que Make permet de faire aujourd'hui, avec des exemples issus de notre pratique. Puis nous verrons comment il transforme la collaboration et quels pièges éviter. Nous aborderons l'évolution du métier de designer face à l'IA, en distinguant fantasme et réalité. Enfin, je partagerai des recommandations pratiques pour démarrer, avant de conclure sur notre approche de l'IA à l'agence digitale. 

Depuis l'arrivée de Figma Make, j'ai observé mon équipe transformer un atelier de co-conception de trois heures en une session de 30 minutes. Pas par précipitation, mais par efficacité. Un croquis sketché sur papier est devenu un prototype navigable en quelques secondes. Les échanges se sont concentrés sur l'essentiel : l'intention, le parcours utilisateur, la pertinence fonctionnelle. Pas sur "comment on va faire techniquement ce bouton".

Avec Figma Make, ce type de scénario est devenu notre quotidien au studio.

Après dix ans à transformer la collaboration design, Figma franchit une nouvelle étape avec Make. Cette fois, ce n'est pas qu'un nouvel outil : c'est une intelligence artificielle intégrée qui comprend vos intentions et les transforme en interfaces fonctionnelles. Un simple croquis, une description, une maquette existante… et Make génère un prototype exploitable. Ce qui change vraiment, c'est notre façon de travailler. Le processus devient fluide, l'itération immédiate, et le rôle du designer se déplace de l'exécution vers la direction créative.

De l'idée au prototype : de 2 jours à 10 minutes

Make repose sur un principe simple : exprimer une intention, quelle que soit sa forme, et obtenir une première version concrète à manipuler.

Un croquis sketché devient un prototype interactif

Prenez votre sketch en photo. Make identifie les zones, comprend la structure, génère les éléments. Ce qui relevait de l'intuition devient testable immédiatement. Dans notre agence, nous avons observé un gain de temps significatif dans les ateliers clients, mais surtout une qualité d'échange radicalement différente.

Une maquette se transforme en parcours navigable

Vous avez déjà designé vos écrans ? Make génère automatiquement les interactions. Le prototypage, qui pouvait prendre plusieurs jours selon la complexité, devient instantané.

Une description suffit à créer une interface

"Un écran de connexion avec authentification sociale, ton chaleureux, accessibilité renforcée." Make interprète, structure, ajuste. Vous n'exécutez plus, vous dirigez. L'IA traite la mécanique, vous gardez la décision.

Tester une idée en direct avec le client

L'un des usages les plus puissants que nous avons développés : formuler une idée directement dans Make pendant une présentation ou un atelier, et la tester immédiatement avec le client. Quelqu'un propose un concept ? On le matérialise en quelques secondes, on le projette, on voit si ça fonctionne ou non. Cette capacité à accélérer la génération d'idées en intelligence collective change complètement la dynamique. Le client se projette instantanément sur les concepts que nous avons en tête, au lieu de devoir les imaginer à partir de nos explications verbales. Cette nouvelle temporalité change tout. Fini le parcours linéaire croquis → wireframe → maquette → prototype. Place à un processus circulaire où l'exploration devient naturelle et les idées se matérialisent au fur et à mesure.

Une collaboration réinventée (avec ses nouveaux défis)

Make transforme les dynamiques d'équipe, parfois de manière inattendue. Les product owners peuvent esquisser leurs intentions. Les développeurs comprennent la logique plus tôt. Les métiers visualisent leurs besoins immédiatement. Et au centre de cet écosystème, le designer devient chef d'orchestre : il garantit la cohérence, la lisibilité, l'accessibilité et la pertinence fonctionnelle.

Mais attention aux pièges

En explorant Make au studio, nous avons identifié plusieurs risques qui méritent vigilance :

• Le PO qui veut tout designer lui-même : la facilité d'usage peut créer l'illusion que le design se résume à générer des écrans. Il faut recadrer rapidement : Make produit des hypothèses, le designer construit l'expérience.
• Les développeurs sceptiques : certains voient Make comme un gadget ou craignent des specs incohérentes. La clé : les embarquer dès les premiers tests et leur montrer que Make structure mieux les livrables, pas l'inverse.
• Le risque de court-circuiter les vrais échanges : générer vite peut donner envie de valider vite. Or les meilleures décisions émergent du dialogue. Make doit accélérer l'itération, pas remplacer la réflexion.

L'IA démocratise la création, mais elle renforce paradoxalement le besoin d'une direction UX forte et structurée. Car sans vision, on multiplie les interfaces sans créer d'expérience.

Le design system, révélé et indispensable

Make est un révélateur impitoyable. Son efficacité dépend directement de la maturité de votre design system. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, Make ne reprend pas vos composants tels quels. Il interprète vos styles, vos couleurs, vos espacements. Et cette interprétation nécessite souvent de nombreuses itérations pour atteindre la fidélité recherchée. Avec un DS bien structuré et documenté, l'IA comprend mieux vos intentions et s'en rapproche plus rapidement. Avec un DS bancal ou absent, les allers-retours se multiplient et le temps gagné s'évapore.

La réalité du terrain

Au studio, nous avons constaté que même avec un design system mature, il faut guider Make, corriger, ajuster. L'outil accélère la création de structure et de mises en page, mais la finition demande toujours l'œil du designer. Pour des clients sans DS formalisé, la reprise peut être aussi longue que de partir d'une page blanche. Make pousse les organisations à professionnaliser leur gouvernance design. Impossible de tirer pleinement parti de l'IA sans fondation solide.

Le designer monte en puissance (mais doit rester vigilant)

L'IA automatise l'exécution, pas le design. Elle ne comprend ni les enjeux métier, ni les émotions, ni la narration, ni les comportements humains réels. Elle propose des hypothèses, parfois brillantes, parfois à côté.

Quand Make se trompe :

• Il peut générer des parcours logiques mais inutilement complexes
• Il crée parfois des hiérarchies visuelles incohérentes avec l'importance réelle des contenus
• Il ignore les contraintes métier spécifiques (réglementaires, techniques, organisationnelles)
• Il peut reproduire des patterns visuels sans questionnement sur leur pertinence contextuelle

C'est au designer d'évaluer, corriger, orienter. Ce qui m'intéresse particulièrement, c'est que Make oblige à expliciter notre raisonnement : pourquoi ce choix plutôt qu'un autre ? Cette exigence de clarté élève le niveau de réflexion.

Le métier évolue :
Moins d'opérationnel, plus de décision.
Moins de fabrication, plus de stratégie.
Moins d'exécution, plus de discernement.

Make élève le niveau de compétence requis. Les designers capables de penser l'expérience globalement, de structurer des systèmes cohérents et de prendre des décisions éclairées deviennent plus précieux que jamais.

Ce qui nous attend dans les prochaines années

Make est un début. Les signaux actuels annoncent une transformation profonde du design dans les années à venir.

La formation va changer

On formera moins à "faire" et davantage à "diriger". Les compétences clés : formulation d'intentions (prompt design), direction UX, gouvernance de design system, stratégie d'expérience. Le designer devient architecte d'expérience augmenté.

Les cycles projet vont s'accélérer

Make réduit drastiquement les délais entre brief, prototype et test. Les projets deviendront plus itératifs, plus orientés terrain, plus réactifs aux retours. On passe du modèle séquentiel au modèle continu.

Les métiers vont se transformer

De nouveaux rôles émergent : directeurs d'expérience, responsables de design system, UX strategists, designers IA + data. L'IA redéfinit la portée des métiers et amplifie leur valeur.

Par où commencer avec Make ?

Si vous envisagez d'intégrer Make dans vos process, voici le chemin que nous recommandons à nos clients :

1. Auditez votre design system d'abord

Impossible de tirer parti de Make sans fondation solide. Prenez le temps d'identifier vos composants, de documenter vos règles, de formaliser votre gouvernance. C'est un investissement qui se rentabilise immédiatement.

2. Identifiez 3 cas d'usage prioritaires

Ne cherchez pas à tout transformer d'un coup. Commencez par des contextes où l'accélération a le plus d'impact : ateliers clients, phases exploratoires, prototypage rapide pour tests utilisateurs.

3. Formez les équipes progressivement

Organisez des sessions de découverte. Montrez des exemples concrets. Laissez les gens expérimenter. L'adoption se fait par la pratique.

4. Définissez des règles de validation

Qui valide quoi ? Quand fait-on appel au designer ? Quelles sont les lignes rouges ? Ces règles évitent les dérives et sécurisent les équipes.

5. Mesurez l'impact

Temps gagné, qualité des livrables, satisfaction des utilisateurs. Les données objectivent les bénéfices et aident à ajuster les pratiques.

L'ère du design augmenté

Figma Make est un accélérateur et un révélateur. Il dévoile le niveau de maturité design d'une organisation. Il montre la solidité d'un design system. Il révèle la capacité d'un designer à orienter, structurer, décider. Nous entrons dans une ère où l'IA libère les designers pour qu'ils se concentrent sur ce qui a vraiment de l'impact : le sens, la valeur, l'expérience, la vision. Make est un outil de transformation. Pour les designers, les équipes produit et les organisations, l'enjeu est d'apprendre à penser avec lui.

À l'agence digitale, nous intégrons l'IA dans toutes les phases de travail

Chez nous, l'intégration de l'IA traverse toutes les phases de conception. Make pour le prototypage rapide, bien sûr. Mais aussi pour accélérer les phases de recherche utilisateur et d'analyse de données par exemple, ou travailler un ton éditorial adéquat. L'IA n'est plus une option ou un gadget. Elle devient un partenaire de conception à part entière. Ce qui compte, ce n'est pas l'outil. C'est la manière dont on l'intègre dans une démarche cohérente, portée par une vision claire de l'expérience utilisateur. L'IA amplifie nos capacités, mais c'est l'expertise humaine qui donne du sens à ce qu'elle produit. L'IA redéfinit notre métier, mais c'est l'expertise humaine qui lui donne du sens. Make et les outils d'IA ne sont pas une fin en soi : ils sont des leviers pour créer de meilleures expériences, plus rapidement, avec plus d'impact.

Sources
Figma – Introducing Figma Make
https://www.figma.com/blog/introducing-figma-make/

Figma Help Center – Explore Figma Make
https://help.figma.com/hc/en-us/articles/31304412302231-Explore-Figma-Make

Figma Blog – 8 Ways to Build with Figma Make
https://www.figma.com/blog/8-ways-to-build-with-figma-make/

Figma Blog – 4 Ways for Design Teams to Chart New Territory with Figma Make
https://www.figma.com/blog/4-ways-for-design-teams-to-chart-new-territory-with-figma-make/

UX Planet – Figma Make: Complete Guide
https://uxplanet.org/figma-make-complete-guide-a3bf0425537e

Builder.io – Figma Make Overview
https://www.builder.io/blog/figma-make

Figma Office Hours – Introducing Make (YouTube)
https://www.youtube.com/watch?v=1AOwk1N8cFs